Sommaire

Chapitre 1

Bains, repos et divertissements


Où l’on compare les mérites des stations thermales de Bourgogne et de Franche-Comté.

EN 1913

L'hiver a été long et humide, le printemps tardif et somme-toute peu clément, et me voilà en ce joli mois de juin comme neurasthénique, atone. Non pas que je sois malade, mon médecin n'a rien décelé d'alarmant, mais comme un vague à l'âme qui ne me quitte plus. J’ai entendu le plus grand bien des eaux salines du Jura, et celles de Lons-le-Saunier ont même reçu une médaille d’or à l’Exposition Universelle de Bruxelles il y a trois ans.
Voyons un peu sur cette carte : Franche-Comté et Bourgogne réunies, ce ne sont pas moins de 11 stations thermales que l'on peut aisément rejoindre en train sans avoir à endurer un pénible voyage de plusieurs jours. Adieu le mauvais air de Paris tout chargé de miasmes et souillé des fumées de ses usines ! Une cure thermale certes, mais quelle destination choisir ?
Pougues-les-Eaux et Bourbon-Lancy sont certainement les stations les plus réputées de Bourgogne, et ce depuis fort longtemps : ne dit-on pas que les rois venaient volontiers y prendre les eaux ?
On dit aussi le plus grand bien de Saint-Honoré-les-Bains dont l’établissement vient d’être agrandi. J'ai vu quelques réclames comparant même ses eaux et ses paysages à ceux des stations des Pyrénées les plus réputées. A vrai dire, les thermes des grandes villes me tentent tout autant que ces petits établissements familiaux en pleine nature, à l'atmosphère plus sereine.
Ce sont finalement les bons conseils de mon ami parisien Eugène Révillout qui m’ont conduit à choisir Luxeuil-les-Bains. Facile d’accès depuis Paris, la ville est dotée de lieux de divertissement et d’un remarquable patrimoine. Les antiquités, voilà bien une passion que nous partageons avec Eugène qui est égyptologue. Du reste, il m'a appris qu'il passerait les prochaines semaines à Luxeuil, à deux pas des thermes, dans la villa de son père qui était médecin-inspecteur de l'établissement thermal.
Et pour ce qui est de la qualité de ses eaux, elles sont réputées soigner bien des afflictions. Un livre du docteur Delaporte, également médecin-inspecteur, promet de grands bénéfices pour « les sujets lymphatiques à constitution molle chez lesquels la circulation lente, la peau pâle, les muqueuses décolorées et bleuâtres, la faiblesse et l’empâtement des tissus annoncent un état anémique ».

DE NOS JOURS

La « fièvre thermale » qui s’est emparée des investisseurs à partir du Second Empire commence à retomber avant la Première Guerre mondiale. Dans la région, plusieurs signes témoignent d’un premier essoufflement au début du 20e siècle. À Saint-Honoré-les-Bains par exemple, la reconstruction de l’établissement thermal est semble-t-il envisagée. Mais faute de crédits, le projet est abandonné après l’édification du pavillon central en 1906. Le constat est le même à Pougues-les-Eaux où la Compagnie des Eaux minérales confie à l’architecte Charles Arnaud, la conception d’un nouvel établissement en 1903. Mais seule une petite partie voit le jour en 1907, l’actuel pavillon des sources Saint-Léon et Saint-Léger.
À partir de 1914, le nombre des villes d’eaux en Bourgogne-Franche-Comté diminue. Les disparitions concernent d’abord les petites stations rurales. En 1914, l’activité cesse à Saint-Christophe-en-Brionnais. Dans les années 1930, c’est au tour de l’établissement de Guillon-les-Bains de fermer ses portes. Mais les grandes stations ne sont pas non plus épargnées : le thermalisme disparaît à Besançon après la Première Guerre mondiale. En 1976, la fermeture de l’établissement de Pougues-les-Eaux marque la fin d’un cycle qui a rebattu les cartes entre les stations régionales.
La Bourgogne-Franche-Comté ne compte plus que six stations thermales aujourd’hui. Les anciens établissements ont été modernisés, comme à Saint-Honoré-les-Bains avec la construction d’une nouvelle piscine, et sont souvent dotés de centres de remise en forme comme à Bourbon-Lancy et à Lons-le-Saunier. Deux nouveaux établissements ont enfin vu le jour. Celui de Salins-les-Bains a été inauguré en 2017 et celui de Santenay a ouvert ses portes au public en 2021.