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Chapitre 8

Journée clémente, flânerie au parc


Où l'on profite du bon air dans un ravissant parc.

EN 1913

Si les plus grands bienfaits d'une cure thermale proviennent de la qualité des eaux, l'air sain de la campagne et l'activité physique ne sont pas à négliger. Et ce début de soirée est tout à fait idéal pour une promenade dans le parc. Rendez-vous a été pris avec mon ami Eugène devant le chalet du régisseur. C'est une petite maison pittoresque à l'écart des thermes, abritée sous une haute futaie. Avec ses balcons en bois, ses lambrequins ornant les rives du toit et ses façades en brique colorées, elle me rappelle ces maisons que j’ai vues fleurir autour de la « petite mer » d’Enghien près de Paris, ou encore sur les bords de Marne. Je me demande ce que l’on pensera dans un siècle de cette fureur de bâtir en piochant sa maison de villégiature dans les revues des architectes comme on choisit l’étoffe de sa robe dans un catalogue d’échantillons.
Je retrouve Eugène en grande conversation avec le régisseur du parc : les chutes d'arbres et de branches sont fréquentes ces dernières années, il est même question d'abattre des platanes ayant probablement été plantés dès l'origine du parc en 1761. Quelle tristesse de voir disparaître ces derniers témoins des grands aménagements paysagers du 18e siècle.
Les cinq hectares du parc ont été profondément remaniés dans les années 1850 et 1860 pour donner naissance à un jardin paysager à l'anglaise dans sa partie nord, et un jardin régulier à la française dans sa partie sud, le tout d’après les plans du paysagiste-horticulaire alsacien Baumann. Cet aménagement à la française est du plus bel effet tant il souligne les élégantes façades des bâtiments du 18e siècle, mais il faut sans conteste privilégier les allées sinueuses du parc à l'anglaise pour les promenades. Une petite rivière serpente au sein d'une végétation aux essences variées, on croirait flâner dans un tableau de paysage composé par un peintre de talent.
Ajoutez à cela une multitude de petits aménagements qui réservent d'incessantes surprises tout au long de la promenade : des petits ponts de pierre pour franchir la rivière, une cascade rocailleuse, un kiosque à musique, d'antiques pierres comme une cippe funéraire romaine ou une sculpture supposément druidique, et même une fontaine-buvette consacrée à Hygie, déesse de la santé, qui préside à notre guérison… Nous avons même pu poursuivre notre promenade alors que le jour déclinait, à la lumière des candélabres d'éclairage au gaz. Des petits groupes de curistes déambulaient de-ci de-là sous les frondaisons, la soirée était tout bonnement féerique.

DE NOS JOURS

Les paysagistes du 19e siècle ont su profiter du petit ruisseau qui traverse le parc thermal du nord au sud. Ce cours d'eau rappelle que le site est avant tout le fond d’une vallée fermée par une digue au sud et partiellement recouverte par un étang, jusqu’à son assèchement en 1754. Aux abords des bâtiments, le ruisseau plonge encore aujourd’hui dans une canalisation souterraine dont le cours se poursuit sous l’allée des Romains, de l’autre côté de la rue des Thermes.
Le tracé des allées du parc a été simplifié au 20e siècle, mais un dernier ponceau conserve encore ses anciens garde-corps en pierre. Du pont des soupirs, en revanche, il ne reste que des ruines. Quant à la belle grille qui fermait le parc au sud jusqu’au début des années 50, elle a été vendue par la Ville de Luxeuil et ferme aujourd’hui la cour du Musée Lorrain de Nancy.
Le chalet du régisseur subsiste, mais il est méconnaissable en raison de la disparition de tous les éléments décoratifs qui lui donnaient son aspect si pittoresque. L’aile sud est agrandie au milieu du 20e siècle. L’édifice abrite alors le club-house du tennis, le sport par excellence des stations thermales qui n’hésitent pas à en faire la promotion. Des joueurs, raquettes en mains, sont même représentés sur les affiches PLM à Saint-Honoré-les-Bains et à Pougues-les-Eaux. Les deux cours de tennis du parc de Luxeuil sont encore situés de nos jours au même emplacement.
En 1939, le parc thermal est largement remodelé par l'architecte Paul Giroud. Ces travaux répondent à la modernisation de l'établissement thermal lancée deux ans plus tôt. De cette époque date notamment la création de la roseraie. La statue de la Maternité, œuvre du sculpteur Georges-Louis Guérard, est installée dans le parterre central en 1957.