Sommaire

Chapitre 7

Deuxième jour de cure


Où l'on s'immerge dans les bains de l'aile ouest... et dans leur histoire.

EN 1913

Le Bain des Fleurs, ce nom charmant vient de l'ancienne cour ornée de parterres fleuris à la place de laquelle il a été construit, entre le Bain des Dames et le Bain gradué. Cette première bâtisse de 1829, mal éclairée et rapidement ruinée, est reconstruite dès 1860 sous le Second Empire. Le nouveau bain est dédié à la princesse Mathilde Bonaparte qui a fait ici de fréquents séjours. On dit d’ailleurs, encore aujourd’hui, que c’est grâce à cette cousine de Napoléon III que l’empereur a porté son attention sur Luxeuil.
L’agencement du Bain des Fleurs est comparable à celui du Bain ferrugineux : une galerie centrale distribuant dix cabines surmontées de coursives hautes pour le service des douches, un plafond à caissons supporté par des colonnes en fonte, des miroirs et deux fontaines-buvettes. Comme il était impossible de créer des fenêtres, les architectes ont prévu une verrière en toiture pour éclairer la galerie. Me voyant intriguée par une sorte de ronflement sourd, Rose, la baigneuse en cheffe et pour ainsi dire la maîtresse des lieux, m'explique non sans fierté qu'il s'agit d'une machine à vapeur qui élève l’eau très chaude du Bain des Dames mélangée à l’eau plus froide de la Fontaine d’Hygie, dans des réservoirs situés sous les combles.
Si l'aspect extérieur des bâtiments du 18e siècle a été préservé, les baignoires, les piscines et la décoration ont été abondamment remaniés pour répondre aux attentes des curistes et au goût du jour. Il ne reste finalement que le Bain des Bénédictins qui ait conservé une piscine datant d'avant la Révolution. Rien pour ainsi dire n’y a changé depuis 1768. Cette piscine de forme ronde pouvait accueillir jusqu'à vingt personnes à l’époque de la construction. Cette promiscuité était alors de mise !
C’est précisément ce qui faisait la modernité du Bain gradué construit un peu plus tard, entre 1784 et 1786. La salle comprenait déjà des cabines individuelles aux murs décorés de faïence dotées chacune d’une baignoire. Voilà qui me sied davantage ! Pour rejoindre la cabine qui m'est réservée il me faut passer à nouveau par la galerie ouest ouverte sur l'esplanade, puis passer devant ce singulier bassin central divisé en compartiments. « Pourquoi ce nom de bain gradué » demandais-je à Jeannette, ma nouvelle baigneuse. « A l’origine » me répondit-elle « chacun des quatre compartiments correspondait à une température obtenue par un savant mélange d’eau chaude et froide : 31, 33, 35 et 37° Celsius. On pouvait ainsi monter graduellement en chaleur en passant de l’un à l’autre ». Là aussi, quelle modernité pour l’époque !

DE NOS JOURS

La modernisation de l’établissement thermal conduite par l’architecte Robert Danis en 1937 est sans conséquence sur l’enveloppe extérieure des bâtiments du 18e siècle. Elle entraîne en revanche des travaux considérables à l’intérieur. Certains vestiges sont conservés comme des reliques du passé. C’est le cas de la margelle du Bain des Bénédictins, déposée dans le parc. Étape essentielle dans le réaménagement des espaces, le décloisonnement du bâtiment sud permet de créer un grand vestibule qui est encore aujourd’hui l’entrée principale des curistes.
Un soin tout particulier est accordé à son décor. Signées et datées de 1939, les cinq toiles du peintre Jules Adler mettent en scène des mères, pour rappeler la spécialisation de Luxeuil dans les soins de la femme et de l'enfant à cette époque. Si deux compositions nous montrent des baigneurs en tenue des années 30, les trois autres peintures sont en revanche des scènes inspirées de l’Antiquité. Dans la dernière, tous les personnages - femme, enfant et même vieillards - se rassemblent autour de la fontaine de la déesse grecque de la santé, Hygie.
La salle du Bain gradué quant à elle, a peu changé depuis la fin du 18e siècle. Elle a conservé ses colonnes et sa vaste voûte d’arêtes à grands et petits quartiers alternés. Au centre, le jacuzzi actuel occupe très exactement l’emplacement de l’ancien bassin à compartiments.
La belle galerie de pierre a elle aussi conservé son volume d’origine. Elle est toujours couverte de voûtes d'arêtes en brique enduite en blanc, et rythmée par des arcs-doubleaux en anse de panier retombant sur des pilastres en grès. Elle sert aujourd’hui de salle de sport.