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Chapitre 10

Une consultation à la Villa des Platanes


Où le corps médical de Luxeuil-les-Bains nous vante les vertus curatives des eaux thermales.

EN 1913

Il est recommandé de consulter un spécialiste dès son arrivée, avant même de débuter la cure. Et Luxeuil n'en manque pas : plusieurs médecins ont leur cabinet dans leur propre villa du quartier thermal. Me voilà rendue à la Villa des Platanes, idéalement située entre la rue de Grammont et le parc. Sa façade principale est ornée d’un décor sculpté arborant les lettres « PG », les initiales du docteur Victor Pierrey et de son épouse qui ont construit la villa en 1872. Cette date est gravée dans un cartouche au-dessus de la porte d'entrée. J'ai aussi remarqué dans l'une des pièces du rez-de-chaussée une somptueuse cheminée décorée de cariatides couronnées de croissants de lune.
Je profite de la consultation pour faire part au médecin de mon étonnement face à la diversités des pathologies traitées à Luxeuil : phlegmasies chroniques, maladies gastriques, blennorrhée et fleurs blanches, névroses, scrofules et tumeurs, rhumatisme, paralysie, stérilité et impuissance ... on croirait feuilleter un dictionnaire médical. Le praticien me fait remarquer que les sources exploitées par l'établissement thermal sont particulièrement nombreuses et diverses, tant par leurs compositions que par leurs températures. Elles sont tellement précieuses que l'Etat a pris soin d'établir un périmètre de protection des eaux afin de les préserver de toute contamination, notamment par des forages sauvages. « Pour mon cas, je m'en tiendrai à l'ancien adage populaire » lui dis-je : « si les eaux de Luxeuil ne font point de bien, au moins ne font-elles point de mal ».
Les modes d'administration varient en fonction des pathologies : il peut s'agir de bains, de douches, de boisson ou de lavements. Pour me tonifier, le docteur me conseille de prendre aussi les eaux en boisson dans les nombreuses buvettes de l'établissement thermal, comme celles de la galerie du Grand Bain où j'ai rencontré ce chaleureux érudit féru d'histoire, ou encore celles du Bain des fleurs alimentées par les eaux de la source du Bain des Dames et par la Source Gélatineuse : quel drôle de nom ! On trouve même deux buvettes accessibles librement dans le parc : la fontaine ferrugineuse, et la fontaine d'Hygie très fréquentée par les curistes mais aussi - devrais-je le dire ? - par tous ceux qui jugent que l'eau de la ville a un goût bien désagréable.

DE NOS JOURS

Les eaux thermales des sources de Luxeuil résultent de l'infiltration de l'eau de pluie dans le massif des Vosges. Tout au long de son parcours souterrain, cette eau se charge en minéraux et subit d'importantes températures. L'eau remonte ensuite à la surface le long d'un banc de grès qui affleure dans la petite vallée au cœur de l'actuel quartier thermal. Le site se caractérise par une grande variété de sources. Celles utilisées du 17e au 19e siècle peuvent être classées en trois groupes. Les sources hyper-thermales ont une température supérieure à 40°C. Leurs eaux sont salines et faiblement minéralisées, elles sont par excellence les eaux utilisées aux 17e et 18e siècles. Les sources méso-thermales du Puits Romain et du Temple ont une température comprise entre 20°C et 30°C. Leurs eaux, riches en oxyde de fer et en oxyde de manganèse s'imposent comme une spécificité de Luxeuil au milieu du 19e siècle. Enfin, la source du Pré-Martin est une source oligo-métallique froide.
Depuis 1990, l'eau utilisée dans l'établissement thermal est issue de deux forage : la source Pierrat à 58°C et la source Soleil à 48°C. Leurs eaux sont comparables : chlorurées, sodiques, bicarbonatées, sulfatées et oligo-métalliques. Elles sont mélangées et utilisées après avoir été refroidies à 34°C. L'utilisation d'échangeurs à plaques permet de récupérer les calories et de chauffer l'établissement. Le débit autorisé pour chacune des deux sources est de 25m3 par heure.
L’eau est aujourd’hui uniquement utilisée en soin, elle n’est plus consommée en boisson. Ce qui explique l’absence de grande buvette à Luxeuil. Celle qu’avait aménagée l’architecte Robert Danis dans la salle du Bain gradué à la fin des années 30 a été démantelée dans la seconde moitié du 20e siècle.
Aujourd’hui, les pathologies prises en charge à Luxeuil correspondent à trois orientations : gynécologie, rhumatologie et phlébologie. En 2019, l’établissement thermal a accueilli près de 6000 patients dans le cadre de cures médicalisées. A celles-ci s’ajoutent une offre de soins de bien-être et de remise en forme.