Sommaire

Chapitre 4

L’Hôtel Métropole


Où l’on découvre qu’il n’est pas aisé de choisir entre trois bons hôtels.

EN 1913

Me voilà rue des thermes en quelques minutes à peine, à la hauteur de ce petit square entouré de grilles. On trouve là trois des hôtels les plus réputés de la ville, juste en face du casino et à peine plus loin de l'établissement thermal.
Se faisant face de part et d'autre du square, l'Hôtel des Thermes et l’Hôtel du Parc. Tous deux ont été bâtis dans les années 1880 par un certain Charles Marchand, négociant à Luxeuil-les-Bains. Ce sont de belles bâtisses à deux étages et toits brisés en ardoise, avec toujours ces balcons typiques des villes thermales et des stations balnéaires. L'Hôtel du Parc porte bien son nom, sa grande façade sur la rue des Thermes offre la plus belle vue sur le parc thermal. Ces deux établissements sont de bonne renommée, mais ils ne proposent que des chambres, sans restauration sur place : c'est ce qui m’a amenée à considérer un autre lieu de séjour.
Entre ces deux établissements, l'Hôtel Métropole. Construit en 1907, c’est de loin le plus moderne des trois, et son architecture de style Art Nouveau est du plus bel effet, surtout avec cette grande marquise qui protège les vastes ouvertures du hall d’entrée. Celui-ci donne sur une grande salle à manger qui s'élève sur deux niveaux et qui occupe toute la largeur du bâtiment.
J'y ai réservé une des meilleures chambres. Située au second étage, elle donne sur le parc, côté nord, ce qui me préserve des premières chaleurs de ce début d’été. J’ai été quelque peu rassurée en apprenant que l’établissement était équipé d’un ascenseur. Mes craintes se sont alors portées sur le bruit. En ce samedi, jour d'arrivée des curistes, quel brouhaha dans ce vaste hall ! Faisant part de mon inquiétude au maître-d’hôtel, celui-ci m'a bien vite rassurée : les planchers sont en béton armé, et non en bois comme dans les hôtels plus anciens. Ce « procédé Hennebique », du nom de l’ingénieur qui l’a inventé, atténue les bruits et autorise de grandes portées. C’est d'ailleurs ce système constructif qui a permis de créer les grands volumes du hall et de la salle à manger.

DE NOS JOURS

En remontant aujourd’hui la rue Carnot en direction du centre ancien, le visiteur découvre les façades de quelques-uns des plus anciens hôtels de Luxeuil. Déjà célèbre au 18e siècle, l’Hôtel du Lion vert est aujourd'hui le résultat d’agrandissements au 19e siècle.
Dans le dernier quart du 19e siècle, le centre de gravité des lieux d’hébergement remonte vers le nord. L’isolement relatif de l’établissement thermal, situé bien au-delà des anciens remparts de la ville médiévale, permet de disposer de terrains libres sur lesquels se développe un nouveau quartier. L’Hôtel des Sources est ainsi créé dès 1885 à l'angle de l'avenue des Vosges (l’actuelle avenue Jean Moulin) et de la route de Fougerolles (l’actuelle rue de Grammont). Il est considérablement agrandi par Léon Collard, important maître d’hôtel, entre 1898 et 1914.
L’Hôtel des Thermes, l’Hôtel du Parc et l’Hôtel Métropole constituent l’un des piliers du petit empire créé par la veuve Marchand au fil des années. Propriétaire d’abord des deux premiers, elle fait construire le casino-théâtre en 1896 et l’Hôtel Métropole en 1907. L’État ayant décidé d’écarter les hôteliers de la gestion de l’établissement thermal pour préserver la concurrence entre les hôtels, c’est son beau-frère qu’elle place à la tête de la Société fermière des Eaux thermales en 1888. Devant cet état de fait, le gouvernement lève ses réserves, permettant à la veuve Marchand de créer la Société des Eaux minérales et des grands hôtels de Luxeuil en 1896.
Après un véritable âge d’or, la société fait faillite en 1921. Les trois hôtels sont rachetés par Alexandre Collomp, qui poursuit leur exploitation jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, si l’Hôtel Métropole et l’Hôtel des Thermes sont encore en activité, l’Hôtel du Parc est en revanche désaffecté.