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Chapitre 2

Paris – Luxeuil-les-Bains en moins de sept heures !


Où l’on découvre les plaisirs d’un voyage en chemin de fer.

EN 1913

Le voyage en chemin de fer est de loin le plus commode et le plus rapide de nos jours. Pour 45 francs et 25 centimes l’aller, on part de la gare de l’Est le matin de bonne heure et l'on se retrouve au pied des Vosges en seulement six heures et trente minutes ! La ligne est directe, pas même un changement, et en première classe c’est l’assurance de voyager en bonne compagnie. Et pour cause, cette ligne dessert bien d'autres stations réputées de l'Est de la France comme Contrexéville, Vittel et même Plombières-les-Bains où séjournait l’empereur Napoléon III.
Quelle surprise de retrouver madame veuve Conus dans le compartiment ! Je l’ai côtoyée bien des fois chez une amie commune, mais j’ignorais tout à fait qu’elle était la propriétaire d’un des hôtels les plus réputés de Luxeuil-les-Bains, le « Modern Hôtel ». C’est une charmante personne qui a eu l’obligeance de m’offrir une place dans son automobile au sortir de la gare afin de rejoindre le quartier thermal. Dieu merci, car la place de la gare est envahie de voitures hippomobiles affrétées par les hôtels pour « rabattre » les curistes. Quelle indélicatesse !
Cette brave madame Conus ne cesse de m’étonner. Arrivés dans le quartier thermal, un peu à l’écart du centre-ville historique, voilà que son chauffeur nous conduit à un vaste bâtiment aux allures de grange : c’est le garage du Modern Hôtel qui dessert aussi la villa des Tilleuls, la demeure qu’elle vient de faire bâtir tout à côté. Il permet non seulement de stationner plusieurs autos, mais aussi d'en assurer l'entretien grâce à son atelier de mécanique. Des automobiles, un hôtel avec garage, une villa au goût du jour avec des communs, décidément madame Conus est une femme de biens, c’est assurément une personne qui compte à Luxeuil !

DE NOS JOURS

La gare de Luxeuil témoigne encore aujourd’hui de l’importance des dessertes ferroviaires, souvent à l’origine de l’essor du thermalisme français. Avant sa construction, des voitures hippomobiles venaient déjà chercher les curistes en gare de Lure où s’arrêtaient les trains de la ligne Paris-Mulhouse depuis 1858. Vingt ans plus tard, l’ouverture du tronçon reliant Lure à Aillevillers par la Compagnie des chemins de fer de l’Est permet à Luxeuil d’avoir enfin sa propre gare. Elle est comparable par son architecture à celle construite à Plombières-les-Bains dans les mêmes années. Ce « train des eaux » comme on l’a rapidement surnommé, est complété par le réseau des chemins de fer vicinaux qui permet de rejoindre Luxeuil depuis Vesoul ou Besançon dans les années 1900-1910.
L’automobile prend une place grandissante après la Première Guerre mondiale. Ce qu’il en reste dans les stations thermales constitue aujourd’hui un patrimoine largement méconnu. Les garages des hôtels ont souvent été détruits, celui de Luxeuil est donc un témoignage assez exceptionnel. Dans un premier temps, ces garages sont des constructions modestes et discrètes qui rappellent les écuries ou les granges. On en conserve un exemple à Pougues-les-Eaux. Dans les années 1910 et 1920, les garages prennent de l’importance et s’imposent plus franchement dans le paysage urbain. Celui de Saint-Honoré-les-Bains permet non seulement le stationnement et la réparation des véhicules, mais aussi le logement des chauffeurs.