Sommaire

Chapitre 6

Premier jour de cure


Où l'on s'immerge dans les bains de l'aile nord... et dans leur l'histoire.

EN 1913

En ce début de matinée, je prends enfin les eaux au Bain ferrugineux, un des bâtiments les plus récents aux dires de Monsieur le Directeur. Cette extension située à l'arrière du vestibule central a été construite par les architectes Monnier et Grandmougin en 1856. On me conduit à l'une des dix cabines individuelles par une galerie centrale décorée de glaces sur des consoles en pierre sculptées, le tout disposé de manière à donner l'apparence d'un élégant salon. Un promenoir aménagé au-dessus des cabines permet de se dégourdir les jambes à la lumière du jour. Deux fontaines-buvettes complètent l'aspect luxueux de la galerie.
La cabine dans laquelle on m’invite à entrer dispose d'une baignoire en granite rose des Vosges dont la température est maintenue grâce à un ingénieux système de galerie chauffée qui me rappelle celui que les Romains utilisaient pour le sol de leur maison ! Les parois de la cabine et son plafond sont formés de dalles de grès bigarré des Vosges ornées de moulures.
Le succès du Bain ferrugineux a conduit l'établissement thermal à le compléter dès 1858 par le Bain impérial ferrugineux, cette demi-rotonde que l'on peut voir à son extrémité nord. L’empereur Napoléon III et son épouse l’impératrice Eugénie y disposaient de leur propre cabine !
Suite du parcours, me voilà rendue au Bain des Capucins, un des plus anciens puisqu’il est déjà mentionné dans les textes du 17e siècle. Bien que très remanié vers 1850, il est toujours alimenté par l’ancienne source des Capucins dont la température, proche de celle du corps, donne une sensation de confort et d’apaisement extrême. De cette époque date aussi l'aménagement des deux bassins ovales, l'un réservé aux hommes, l'autre aux dames, que l’on peut fort heureusement séparer par un rideau. Gertrude, la vieille baigneuse qui s’occupe de moi, prétend que l'on n’hésitait pas, jusqu’au milieu du siècle dernier, à rassembler tout ce beau monde dans les mêmes bassins, ce qui m’a paru bien scandaleux !
Me voilà harassée par cette première matinée de cure, et je me trouve impatiente de rejoindre mon d'hôtel pour y dîner paisiblement. Mais je ne veux pas quitter les thermes sans jeter un œil à l’ancien Bain des Cuvettes dont le couvrement constitue une des curiosités prisées des curistes amateurs de belles choses. Cet ingénieux système qui met en œuvre six voûtes d'arêtes reposant sur trois arcs doubleaux en pierre de taille permet de couvrir cette grande salle d'une seule portée. L'architecte Vaucheret l'a conçu en 1816 afin d'aérer cet espace et d'y laisser entrer la lumière. Depuis cette date, tous les anciens plafonds en bois rongés par la chaleur et l’humidité ont été remplacés par des voûtes de maçonnerie.

DE NOS JOURS

Alors qu’ils constituaient la partie la plus luxueuse de l’établissement thermal au 19e siècle, les bains ferrugineux sont détruits en 1937 par l’architecte Robert Danis pour créer une piscine de natation en plein air. Il n’en reste que quelques vestiges, exposés aujourd’hui dans le parc. La piscine répond à un besoin ancien déjà exprimé dans les années 1860. Plutôt que d’ajouter une aile du côté de l’esplanade, l’architecte choisit de dégager les terrains nécessaires au nord et d’ouvrir ainsi l’établissement thermal sur le parc. La piscine a connu son heure de gloire après la Libération, avant d’être comblée en 1970. Celle que nous voyons aujourd’hui date de 1989. À la différence de la première, elle est couverte d’une structure métallique.
Le projet de Danis se veut rationnel dans la distribution des espaces. De part et d’autre de la piscine, deux ailes sont bâties pour abriter des cabines individuelles de soin. Celles-ci sont desservies par de longs couloirs au rez-de-chaussée et au premier étage. À l’origine, les escaliers permettaient également d’accéder aux terrasses aménagées en solarium à pergola, avec vue sur le parc thermal.
La création de la piscine entraîne la transformation du vestibule à l’emplacement de l’ancien Bain des Cuvettes. Le couvrement est entièrement repris mais en conservant le dessin d’origine. Il est surmonté d’une voûte en béton formant un grand fronton à claustra, côté piscine. L’entreprise Gentil-et-Bourdet réalise quant à elle les mosaïques du sol et des murs dans le style Art Déco.
De part et d’autre du vestibule, l’ancien Grand Bain et l’ancien Bain des Capucins sont entièrement dégagés pour aménager deux bassins couverts de mosaïque bleue, qui subsistent encore aujourd’hui.