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Chapitre 11

Une soirée au casino


Où l'on voit qu'il n'y a pas de station thermale sans casino...

EN 1913

Tous ces braves curistes doivent être divertis. Il y a les concerts dans le kiosque du parc, les représentations dans le théâtre de verdure, les excursions en voiture dans les Vosges, mais rien n'attire autant la bonne société en villégiature que le casino, cet endroit somptueux où l'on se rencontre pour quelques parties de boule, de baccara ou de petits chevaux, tout en s'efforçant de faire bonne figure devant tant de beau monde.
Celui de Luxeuil est idéalement implanté à proximité des thermes, en bordure du parc. Il a été aménagé dans l'ancienne maison Desgranges, une belle bâtisse en grès des Vosges datant de la fin du 18e siècle. Le marquis de Grammont y avait déjà fait ajouter une galerie pour sa collection de peintures vers 1870. C'est entre cette galerie et la rue de Grammont qu'une splendide salle de théâtre a été construite en 1895 à l’initiative de la veuve Marchand qui, m’a-t-on dit, est l’une des femmes les plus importantes ici.
Mon goût pour les jeux de hasard étant très modéré, j'ai préféré assister à la représentation que l'on donnait ce soir, précisément dans cette salle de théâtre associée au casino. On y accède directement par une belle entrée rue de Grammont. La façade mêle harmonieusement le calcaire et la brique avec des rehauts de couleurs vives grâce à l’utilisation de terres cuites. La grande porte principale est surmontée d’un joli visage en mascaron et du blason de la ville de Luxeuil-les-Bains.
Le soin accordé à la façade se retrouve à l’intérieur de la salle de théâtre où commencent à prendre place les spectateurs. Je rejoins Eugène qui m’attend au balcon. De là, ma vue embrasse l’ensemble de la salle... et du public qui fait pour moi office de spectacle tout autant que celui qui va être donné sur scène. Mon ami me fait remarquer le décor sobre mais élégant des parties hautes quand la sonnerie retentit. Les bavardages cessent, le silence s’impose, et le rideau se lève enfin.
La séance terminée, nous voilà au café du casino à déguster quelques griottes au kirsch quand cette joyeuse veuve Conus fait son apparition. Toujours aussi loquace, elle nous assure que les soirées étaient bien plus gaies avant 1895 quand le casino occupait le Salon Monnier, aujourd'hui devenu le Modern Hôtel qu’elle tient seule depuis la mort de son mari. Le rez-de-chaussée disposait d'une salle de billard, d'un restaurant, d'un salon de toilette, d'une cour avec deux charmilles touffues, de jeux de différentes espèces et d'une rotonde couverte dans laquelle on pouvait danser. A l'étage on trouvait un magnifique salon pour le bal communiquant avec d'autres pièces pour la lecture des journaux, la musique, la conversation et le jeu. C'était, dit-elle, le lieu de sociabilité par excellence des curistes durant toute la seconde moitié du 19e siècle.

DE NOS JOURS

Le casino actuel de Luxeuil est aménagé sur le site d’une ancienne villa construite pour Charles-Antoine de Perpigna en 1863 : la Villa d’Hygie. Dès la fin du 19e siècle, elle devient un hôtel de voyageurs.
La demeure est acquise par la Ville au début des années 50 pour être intégrée dans le projet de casino et de salle des fêtes de l'architecte Paul Giroud. Une première inauguration a lieu le 1er mai 1956. Les derniers aménagements qui concernent la brasserie et la cuisine datent de la fin de l'année suivante. Depuis lors, le bâtiment construit par Giroud, tel qu'on peut le voir sur les photographies anciennes, a subi d'importantes transformations.
Après le déménagement du casino, l’ancien casino-théâtre est acheté par la Ville. De cette époque date sans doute la disparition du décor de la galerie de peinture du marquis de Grammont. L'édifice abrite ensuite un lieu d’exposition et un syndicat d'initiative, en plus de la salle de spectacle qui est conservée.